Entrevue avec Valentin Grandhaye : ingénieur Bâton de hockey chez Oroks

Le hockey ne serait rien sans le matériel des joueurs. Et derrière ces équipements se cachent des hommes et des femmes qui œuvrent chaque jour pour rendre notre sport plus plaisant, plus facile et plus abordable. Valentin Grandhaye est l’un d’eux. Il est ingénieur Produit « Bâton de hockey » chez Oroks, la marque française de hockey sur glace chapeautée par le groupe Decathlon.

Valentin a accepté de répondre à mes questions et je vous propose de découvrir une partie de cette entrevue dans l’article d’aujourd’hui. Au menu, on parle de son métier d’ingénieur, des produits de la marque, et surtout, des futurs bâtons qui sont en plein développement… Bref, de quoi ravir ceux qui veulent en apprendre plus sur la conception de notre matériel et sur ce que fait Oroks pour rendre le hockey encore plus accessible.

Notas :
1. Svp, soyez indulgent, il s’agit de ma première interview ! Merci d’avance ! 😉
2. Si vous préférez écouter le podcast/balado, dites le moi dans les commentaires, je verrai ce que je peux faire pour vous l’envoyer. 🙂
3. Cet article n’est pas commandité/sponsorisé par Oroks. Même si vous y trouverez une petite promotion des produits Oroks, je n’y gagne aucun bénéfice financier. 👍

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De joueur à ingénieur

Dorian :
Bonjour Valentin, merci beaucoup pour ton temps et d’avoir accepter de faire cette interview aujourd’hui ! Est-ce que tu vas bien ?

Valentin :
C’est avec plaisir 🙂
Je vais très bien, très très bien. Et toi ?

Dorian :
Super ! Tout se passe bien chez Oroks ?

Valentin :
Et bien écoute, ça se passe bien. Le développement des produits est en cours, on en a de plus en plus dans la gamme. Donc c’est super !

Dorian :
Yes, c’est ce que j’ai vu, effectivement !
Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter rapidement ? Tu joues au hockey depuis un certain temps maintenant il me semble, non ?

Valentin :
Je m’appelle Valentin, j’ai 25 ans, et j’ai commencé à jouer au hockey à l’âge de 8 ans à Epinal (en France), où j’ai fait tout mon mineur. Ensuite, à partir de 17 ans, j’ai joué avec la D3 qu’il y avait à Epinal, à l’époque. Après avoir eu mes 18 ans, j’ai commencé à m’entraîner avec l’équipe professionnelle, pendant une ou deux saisons, tout en continuant de jouer avec la D3.

Valentin, lors d’un match avec la D3 d’Épinal.

Vers 20 ans, j’ai arrêté de jouer pour pouvoir terminer mes études. Ça devenait trop compliqué d’allier les cours, les entraînements et les déplacements. Et finalement, quand je suis arrivé à Lille chez Oroks, j’ai repris pour le plaisir avec les équipes Loisirs des Lions de Wasquehal.

Dorian :
Ok super !
Et maintenant, d’un côté un peu plus professionnel, est-ce que tu peux me raconter comment tu es arrivé chez Oroks ? Est-ce que c’était un rêve d’enfant de travailler pour une marque de hockey ? Ou est-ce que c’est plutôt les opportunités de la vie qui ont bien fait les choses ?

Valentin :
On va dire un peu des deux. Je vais commencer par mon parcours scolaire.
J’ai fait un bac S [ndlr : cela correspond à peu près à un DEC en fin de CEGEP au Québec] et à la sortie, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. J’aimais beaucoup le sport, j’avais envie de m’impliquer de ce côté là et j’aimais aussi beaucoup la conception de produits. Alors dans l’idéal, je voulais partir dans la conception de produits sportifs. Mais ce n’était pas encore très clair dans ma tête. Il y avait aussi le côté kiné [ndlr : physiothérapeute au Québec] et réadaptation physique qui m’intéressait. Donc je me suis dit que j’allais partir en STAPS* pour m’ouvrir le plus de portes possibles au niveau du sport.

* STAPS : Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. Ce sont des diplômes (Licence, Master ou Doctorat) qui sont spécialisés dans l’études des sciences liées à l’activité physique (anatomie, myologie, physiologie, neuro-physio du mouvement, conception, étude de la performance sportive, management du sport, etc…)

Dorian :
Yes, la filière classique en France dans le domaine du sport.

Valentin :
Exactement. J’ai donc fait une Licence en management du sport à Nancy et à la suite, j’ai voulu me ré-orienter dans l’ingénierie et l’ergonomie de la performance sportive. C’est là que je suis allé faire le Master EAPICP à Saint-Etienne.

Dorian :
Pour expliquer un peu à ceux qui nous lisent, Valentin parle d’un Master STAPS spécialisé en conception de produits sportifs. Je l’ai fait aussi mais au Bourget du Lac, en Savoie. Pour ceux qui seraient intéressés, je crois que le nom à changé maintenant, il s’agit du Master IEAP.

Valentin :
C’est ça.

Le genre de chose qui peuvent être faites en Master IEAP : tests de produits, conception de prototypes, instrumentation, mesures de la performance physique, etc… De supers études pour les passionnés de produits sportifs ! 😉

Ses débuts chez Oroks

Dorian :
Ok, donc une Licence en management du sport puis un Master en conception de produits sportifs. Et après ? Tu as cherché un boulot ?

Valentin :
En fait, pendant la première année de Master, on a un stage à faire, ainsi qu’un second en deuxième année. Donc pour le premier, j’ai postulé chez Oxelo Hockey [ndlr : devenu Oroks depuis !]. Tu dois bien t’en souvenir, on s’est croisé là-bas la première fois 😉

Dorian :
Bien sûr !

Valentin :
Durant ce stage, j’ai travaillé principalement sur les premiers tests pour la marque. Ma mission consistait à faire un « bench* » pour savoir ce que les hockeyeurs aiment dans un casque de hockey. C’était une étude qualitative où l’objectif était de déterminer les points les plus importants dans le choix d’un nouveau casque.

* Un benchmark est une analyse de l’état de l’art sur un domaine particulier, avec très souvent une analyse de ce que fait la concurrence.

Dorian :
Yes, je me souviens de ton travail sur les casques. De mon côté, je bossais sur les patins d’Oxelo Hockey et ceux d’Oxelo « tout court ». On se croisait souvent au bureau 🙂
De souvenir, tu avais fait pas mal de recherches sur les commotions cérébrales, non ?

Valentin :
C’est vrai, on avait travaillé là-dessus avec la R&D* de Decathlon et le DHP.

* Recherche et Développement

Dorian :
Le DHP, c’est la division spécifique pour les casques de Décathlon ?

Valentin :
C’est ça. Le Decathlon Helmet Protection, c’est le processus industriel qui s’occupe du développement des casques. J’avais pas mal échangé avec eux sur le sujet. Et effectivement, j’avais fait beaucoup de recherches sur les commotions, que ce soit dans le hockey, dans le sport au global ou dans d’autres domaines. C’est un sujet très complexe !

Dorian :
Ouai, c’est sûr ! Je me souviens qu’à l’époque, Bauer avait sorti un casque un peu révolutionnaire sur le sujet. Mais je ne sais pas s’ils ont poursuivi sur cette voie ou pas.

Valentin :
En fait, c’est un sujet qui est très compliqué parce qu’aujourd’hui, on a du mal à évaluer de manière très fiable les risques de commotion. Il y a tellement de paramètres qui entrent en compte que les tests sont très difficilement répétables en laboratoire.

Dorian :
Ok, donc il y a encore pas mal de boulot dans ce domaine là! 😅

Valentin :
Exactement !

Le casque Oroks 500 est disponible en coloris noir ou blanc
sur decathlon.fr et decathlon.ca.

Dorian :
Et après ce premier stage, tu es retourné à l’école ?

Valentin :
Oui, pendant un an. Et comme je m’étais bien plus chez Oroks, j’ai décidé de postuler chez eux pour mon stage de fin d’études. Alors que le premier avait duré seulement deux mois, celui-ci était de six mois. C’était donc beaucoup plus concret et intéressant 🙂
Pour cette mission, j’ai travaillé sur les lames. L’idée, c’était d’apporter de la connaissance sur les lames de patins de hockey, que ce soit au niveau de la matière, des formes, des rayons de courbure, etc… On voulait déterminer ce que ces éléments apportaient à la pratique.

Valentin, en plein travail sur les lames de patins.

Dorian :
Du coup tu as aussi étudié l’affûtage ?

Valentin :
On travaille dessus avec Prosharp. Mais pour cette mission, je ne me suis pas vraiment penché sur l’affûtage en lui-même. C’est quelque-chose qui va fortement influencer ton patinage et ton ressenti sur la glace, c’est clair. Mais ce qui m’intéressait plus, c’était la conception de la lame. L’affûtage, tu peux travailler dessus « hors-conception ». Là, on voulait voir comment on pouvait jouer sur les lames, sur les matériaux utilisés par exemple, pour pouvoir ensuite améliorer la pratique. L’idée, c’était d’avoir des lames plus adaptées à ton type d’usage et à ton niveau de pratique pour finalement t’aider dans ton patinage. Par exemple, pour un débutant, on cherche à apporter d’avantage d’équilibre. Par contre, pour un pratiquant avec un niveau plus élevé, on va plutôt chercher de la maniabilité, de l’agilité, de la vitesse et de la réactivité. Donc c’est sur toutes ces choses là qu’on a travaillé au cours des études sur ces 6 mois.

C’est quoi un ingénieur essai terrain ?

Dorian :
Ouah, super ! Ça devait être vraiment intéressant de bosser là-dessus et surtout de tester les différentes configurations.
Du coup, ça me permet d’embrayer sur le poste que tu as eu juste après. Comment ça s’est passé ? Est-ce que tu as eu ce poste parce que tu avais postulé ou est-ce que c’est une proposition que tu as eu à la fin de ton stage ?

Valentin :
En fait, je me plaisais beaucoup chez Oroks…

Dorian :
Je te comprends bien, haha ! 😄

Valentin :
Haha ! L’équipe était vraiment sympa, on faisait un super travail, c’était très intéressant. J’avais envie de continuer l’aventure avec eux.
Si tu te souviens bien, à l’époque, on était jumelé avec Oxelo, donc avec les produits skates, trottinettes et rollers. Au niveau des tests, Oroks n’avait pas encore sa propre entité pour faire ses essais-terrains et ses études en lien avec la R&D. Je leur ai proposé un projet qui consistait à monter cette partie pour la marque, en développant des méthodes de tests et des essais standardisés.

Dorian :
Top ! C’est vrai que tu avais toutes les connaissances du Master pour pouvoir faire ça, puisqu’une partie de la formation était d’apprendre la méthodologie pour tester un matériel sportif. En particulier, on voit comment prouver qu’un équipement est plus performant qu’un autre avec une vraie analyse statistique et scientifique.

Valentin :
C’est ça. On voulait vraiment tester nos produits d’une manière protocolée et standardisée. En fait, quand j’ai créé la partie test chez Oroks, j’ai présenté ce projet pour apporter des méthodes scientifiques afin de recueillir des résultats fiables sur lesquels on allait pouvoir s’appuyer. Parce que tu peux effectivement tester des produits de différentes manières, mais si tu ne les évalues pas de façon standardisée avec un protocole bien établi, tes résultats ne voudront rien dire et tu ne pourras pas les exploiter.

Le but était aussi de collecter les attentes de nos pratiquants de hockey dans le but d’avoir des produits qui leur conviennent d’avantage.
Par exemple, un débutant n’aura pas forcément les mêmes besoins qu’un joueur intermédiaire ou qu’un joueur expert. L’objectif, c’est de répondre de la meilleure manière aux attentes spécifiques de la typologie et du niveau du joueur qu’on a en face de nous.

Au global, le métier que je viens d’expliquer, c’est ce qu’on appelle “Ingénieur Essais Terrain” 🙂

Les différents types d’essais terrain réalisés par Oroks pour valider un produit. Clique sur l’image pour l’afficher en plus grand.

Un an après avoir créer la partie Tests d’Oroks, j’ai demandé à ce qu’on fasse un audit interne pour évaluer les méthodes qu’on avait développées. Ces audits sont basés sur ce qui se fait en laboratoire, mais adaptés aux tests terrains. Donc on utilise plutôt des tests embarqués puisqu’on ne peut pas avoir les mêmes standardisations qu’en labo.

Dorian :
Effectivement, c’est plus difficile de maîtriser l’environnement extérieur lorsque tu es à la patinoire…

Valentin :
Voilà, c’est ça. Il faut prendre ces choses là en compte dans nos résultats et dans nos interprétations. Je voulais qu’on se fasse évaluer à ce niveau là pour savoir si notre organisation, nos méthodes et notre plan qualité étaient bon.

Donc on s’est fait audité en fin d’année 2018, et le résultat était finalement très bon ! Bien sûr, il y a toujours des choses à améliorer mais ça nous a permis de mettre le doigt sur ce qui marchait et ce qui ne marchait pas. Et surtout, ça a permis à la marque de voir que le travail qui avait été fourni de ce côté là était plutôt de bonne qualité 🙂

Dorian :
Du coup, ça t’a permis de donner une certaine crédibilité aux méthodes de test que tu avais développées au cours des deux dernières années.

Valentin :
C’est ça, c’était l’idée. J’aime bien aussi faire du lien avec la R&D de Décathlon pour travailler ces méthodes de test et les adapter à nos contraintes du hockey sur glace. On travaille souvent ensemble dans ce qu’on appelle des « études ».
Je ne sais pas si tu te rappelles, mais globalement on a deux types d’essais :
– D’abord, les tests de validation, qui sont réalisés tout au long du processus de développement du produit. Ces tests servent à s’assurer qu’on passe bien les différentes étapes du projet de développement. On vérifie ainsi que le produit correspond à nos exigences, bien avant sa mise en magasin.
– et ensuite, on a les études, qui sont plutôt en amont du projet, parfois pendant, et qui nous aident sur des points spécifiques. Par exemple : pour faire des choix de conception, répondre à des questions ciblées ou encore augmenter notre connaissance de l’usage ou de l’utilisateur.

Si tu veux, je peux te parler d’une étude qu’on a fait dernièrement avec des enfants sur la facilité d’enfilage. 

Dorian :
Carrément ! C’est un gros sujet pour les enfants d’apprendre comment s’équiper 😊 Je crois que tous les parents de petits hockeyeurs doivent avoir de grandes attentes à ce niveau ! Haha !

Valentin :
Cette étude s’est déroulé en deux parties. En premier, on a fait une comparaison avec des équipements de la concurrence afin d’avoir une base. On voulait voir si on observait des différences avec nos propres conceptions. En filmant les enfants, on s’est rendu compte qu’ils avaient des problèmes, notamment sur l’enfilage des épaulières et des coudières. Ils se trompaient souvent de côté (droite/gauche) et des fois ils inversaient aussi le sens, avec la partie haute de la coudière au niveau de l’avant-bras. Donc on s’est dit qu’il fallait travailler notre conception pour qu’ils puissent s’équiper seuls plus facilement. L’idée, c’était de leur donner davantage d’autonomie avec du matériel plus ergonomique et plus intuitif.
Mais c’est aussi pour les parents ! Car s’ils n’ont jamais joué au hockey avant, ils peuvent avoir du mal à placer les produits correctement sur leurs enfants 🙂
Donc suite à ça, on a retravaillé les épaulières avec deux ou trois concepts, qu’on a ensuite testés en comparaison avec des épaulières classique (qu’on enfile par la tête et qu’on scratche). On a proposé aux enfants des choses complètement différentes, comme des épaulières sous forme de gilet avec un zip par exemple.

Marc, le designeur produit, est en train de fabriquer un prototype d’épaulières.

Mais en fin de compte, on s’est rendu compte qu’ils étaient tellement habitués à avoir les épaulières classiques qu’ils préféraient finalement ce type de conception à ce qu’on avait pu leur proposer.
En interprétant ces résultats, on s’est dit qu’ils préféraient peut être avoir un équipement “comme les adultes”…

Dorian :
Ah oui, ça peut être ça aussi, effectivement !

Valentin :
Et peut-être aussi qu’ils étaient simplement habitués à utiliser ce type d’équipement….

Dorian :
C’est vrai que s’ils ont appris depuis tout petit à mettre leur plastron de telle manière, ce n’est pas toujours simple de changer les habitudes.

Valentin :
Donc suite à cette étude, on s’est dit qu’il n’y avait aucun intérêt à lancer une innovation sur les épaulières puisque les enfants préféraient une conception classique.
On est donc plutôt parti sur une autre voie en proposant un code couleur sur nos équipements. Sur les sous-vêtements essentiellement. Par exemple, on niveau de la coudière, tu vas avoir une certaine couleur à gauche, une autre à droite, que tu vas ensuite retrouver sur le sous-vêtement. Ces couleurs seront complétées avec des petits dessins pour avoir le sens d’enfilage par exemple.
On s’est dit que c’était beaucoup plus intéressant de travailler l’ergonomie comme ça.

Shooting photo des futurs 4-pattes de hockey junior Oroks.

Dorian :
Ouai, c’est une super idée pour les enfants ça !
J’avais vu sur la page Facebook d’Oroks que vous aviez fait une demande d’avis sur le sujet. Je m’étais dit « Ah ouai… ça pourrait vraiment aider les enfants et les jeunes débutants à savoir comment mettre leur équipement. Et aussi surtout, ça peut aider les parents ! »
C’est vrai qu’en France, un enfant va souvent se mettre au hockey parce qu’il a quelqu’un dans son entourage qui l’invitera à faire du hockey (généralement un parent ou un proche). Mais au Québec, ça peut être complémentent différent. Le hockey étant le sport national, tous les enfants y passent plus ou moins à un moment donné dans leur vie. Et les parents ne savent pas toujours comment on met les coudières, les jambières, ou comment tout ça se positionne. Là, effectivement, il y aurait une belle innovation de la part d’Oroks pour faciliter l’accès au hockey.
C’est top ! On retrouve bien l’esprit Décathlon de vouloir simplifier les choses.

Valentin :
Tu vois, ça, c’est clairement l’exemple d’une étude. D’ailleurs on l’a faite en collaboration avec la partie « sciences sensorielles » de la R&D.

Le développement des bâtons de hockey chez Oroks

Dorian :
Super ! Ça se sent que tu es à fond et passionné, c’est génial 🙂
Une question supplémentaire sur ton métier d’aujourd’hui. On vient de parler de la conception des protections pour les enfants, mais si je ne me trompe pas, tu as pris le poste du développement des futurs bâtons d’Oroks. Tu es « Ingénieur produit » maintenant, c’est bien ça ? Tu peux me décrire un peu ton rôle dans ces nouvelles fonctions ?

Valentin :
C’est bien ça. En fait, je m’occupe de toute la partie gestion de projet pour le développement des nouvelles crosses (des nouveaux bâtons pour nos amis Québecois), et je travaille aussi sur la future offre que proposeront nos magasins Décathlon. En particulier, je bosse sur les différentes caractéristiques que vont avoir nos crosses (les différents flex par exemple), en fonction du besoin qui été émis par Jeremy, notre chef de produit. Et c’est super sympa d’avoir cette double casquette « Ingénieur produit / Ingénieur Essai Terrain ». Ça me permet d’apporter d’autres choses dans la partie conception de mon métier.

Par exemple, même si on le faisait déjà avant, on essaie de pousser encore plus le côté co-création avec la communauté hockey sur glace / roller hockey, nos utilisateurs et ceux qui nous suivent sur Facebook. On leur demande leur avis sur le design de nos futurs produits ou sur des choix de conception. Dernièrement, on a lancé un questionnaire sur les crosses, où Marc, notre designeur, et Jeremy avaient travaillé différents designs. On voulait savoir ce qui leur plaisait le plus pour nous permettre de faire le meilleur choix. On essaie de vraiment pousser cette collaboration dans notre manière de concevoir nos produits.

Oroks fait participer ses pratiquants à la conception de ses produits via la page facebook de la marque.

Dorian :
Du coup, en ayant ces deux casquettes, ça te permet de concilier la réalité du terrain avec la conception des futurs bâtons d’Oroks.
Tu me parlais de différents flex, est-ce qu’il y aura aussi différentes courbures ?
Je sais que pendant une période, lorsque c’était encore Oxelo Hockey, il était possible de configurer son bâton comme on le voulait. Je crois que maintenant ça a été un peu rationalisé. J’ai vu que vous proposiez trois flex différents : 60, 75 et 95 ?

Valentin :
Ce dont tu parlais, c’est l’offre « Custom », où tu peux changer beaucoup de paramètres. Pour l’instant, on l’a arrêtée parce qu’on avait des petits problèmes avec notre fournisseur. Mais on la retravaille en ce moment. On est en train de revoir tout le schéma de commande, de livraison, etc… Et sur la partie technique, on est capable de tout faire : grip ou pas de grip sur le manche, différentes courbures de palette, plusieurs tailles de crosse (intermédiaire ou senior). Tu pourras aussi choisir facilement le flex que tu veux, du 50 au 95, en allant de 5 en 5.
Malheureusement, je ne peux pas encore te donner de date pour la mise en service de cette offre « custom » parce que je n’ai pas l’info.

Dorian :
C’est vrai que derrière une crosse en magasin, il y a énormément de travail. D’une part de conception, mais aussi d’acheminement, de logistique, ou encore de réflexion sur l’offre de produit. On ne peut pas tout faire et tout proposer, il faut avoir une certaine rationalisation quand on est un grand groupe comme Décathlon.

Aujourd’hui, il y a pas mal de petites marques aux Etats-Unis et au Canada qui proposent de customiser son propre bâton. Mais il faut savoir que derrière cette offre « à la carte », ça reste assez compliqué. Sans vouloir rentrer dans les détails, pour fabriquer un bâton, il faut un moule spécifique et une techno « composites » assez poussée, avec notamment la mise en place de pré-imprégnés ou de tissus secs avec de l’injection de résine…
Ce n’est pas si simple que ça en fait ! Donc je trouve que proposer plusieurs flex différents et, à terme, une offre custom sur internet, c’est déjà un super boulot. Donc bravo Oroks 😉

Lorsque j’ai travaillé avec Oxelo Hockey, j’avais eu la chance d’avoir un bâton de la marque. Je l’ai gardé super longtemps ! À l’époque, je me souviens que beaucoup de joueurs en avait un, en France tout du moins. C’était le modèle XLR Pro. De super crosses, pour un prix qui défiait toute concurrence ! Pour 90 euros (environ 135$ canadiens au taux de change actuel), on avait un bâton de haut niveau, également utilisé par des joueurs professionnels, et qui était à un prix encore abordable.

Thomas Roussel, joueur en Ligue Magnus et ancien de l’équipe de France, avec le modèle Oxelo XLR Pro.

Valentin :
Effectivement, comme tu le disais juste avant, on cherche aujourd’hui à rationaliser notre offre. Comme on est pas un pro-shop, on ne peut pas proposer tous les flex existants ou toutes les formes de palettes en magasin. Donc par exemple, on se base sur l’équivalent de la Bauer P92, qui est l’une des palettes les plus utilisées et qui devrait donc parler à tout le monde.

Dorian :
Yes, je comprend votre choix. Il y a aussi la P88 qui est assez populaire…

Pour ceux qui voudraient vraiment rentrer dans le détail de quelle palette pour quelle utilisation, j’ai écrit un article qui s’appelle Comment choisir sa palette ?. Donc n’hésitez pas à aller y jeter un œil si ça vous intéresse. 😉
Sinon, pour en revenir à l’interview, effectivement, je trouve que proposer du P92, c’est intéressant pour la plupart des joueurs.

Ok, et du côté de l’offre qu’Oroks proposera prochainement, tu peux m’en dire plus ?

Valentin :
On va avoir trois gammes : la 100, la 500 et la 900. Sur la 900, qui correspond à la XLR Pro dont tu parlais, on va rester sur trois flex : 75, 85 et 95. En magasin, on a dû réduire notre offre et il n’y aura qu’un seul flex proposé. Mais sur internet, les trois seront disponibles, toujours avec la même palette pour le moment.

Dorian :
Par contre pour les flex, je suis un petit gabarit… Donc 75, 85 ou 95, ce sera peut être un petit peu rigide pour les joueurs comme moi, haha ! 😅

Valentin :
Ce sont les flex de la taille « senior », mais on aura aussi la taille « intermédiaire » où on proposera du 55 et du 65.

Dorian :
Parfait alors ! J’irai regarder de ce côté là 😃
Donc, tu m’as parlé de la gamme des bâtons Oroks avec la 100, la 500 et la 900. La 900, j’ai compris que c’était plutôt pour un joueur régulier, qui cherche vraiment à se faire plaisir avec un bâton performant. Et la 100 et la 500 ?

Valentin :
L’offre 100, ce sera pour des personnes qui souhaitent débuter en club. Pour le moment, elle n’est pas encore disponible en magasin, elle est prévue pour la saison 2021-2022.
Ce sera une crosse avec un prix nettement plus abordable qu’un bâton de la gamme 500 ou 900. Elle sera vraiment prévue pour l’accès à la pratique, mais avec une technicité qui permet de jouer convenablement au hockey. En effet, malgré le prix réduit, ce sera une crosse en composites, donc avec des propriétés mécaniques qui resteront très intéressantes pour un débutant.

Dorian :
À la différence des crosses en bois, qu’on voit souvent dans le street hockey. Elles sont très durables mais très rigides et très lourdes ! Donc elles pourraient rapidement dégoûter un jeune joueur qui veut se mettre au hockey.
Une crosse composite à un prix super accessible, c’est top ! 👍

Un des designs proposés pour les futurs bâtons 100 Oroks, mais qui n’a pas été sélectionné.

Et le design finalement choisi par les votants sur la page Facebook de la marque.

Valentin :
Le niveau 100, ce sera donc pour la ou les premières années en club. On aura des tailles « Youth », « Junior » et une taille « Senior ». Sur le « Youth », on descendra très bas en flex pour répondre aux besoins des enfants. Ça leur permettra d’apprendre plus facilement à utiliser le flex de la crosse, pour réaliser les différents tirs et maniements du bâton.

Dorian :
Je vais expliquer un peu pour les débutants qui liront ces lignes, parce qu’ils ne savent peut-être pas tous de quoi on parle. Le flex du bâton, c’est ce qui permet d’augmenter la vitesse de la rondelle lors d’un tir. L’idée, c’est d’utiliser le point d’appui sur la glace et le manche pour faire fléchir le bâton comme un arc. Ça permet de propulser la puck le plus rapidement possible.

Donc un enfant avec un bâton hyper rigide ne peut pas ressentir cet effet de flex. Si Oroks propose des bâtons avec un flex plus faible et plus adapté aux enfants, c’est parfait puisque ça leur permettra de comprendre beaucoup plus rapidement la mécanique du geste.

Valentin :
C’est ça. Ensuite sur les crosses « Junior », on aura aussi des flex adaptés aux besoins des jeunes joueurs. Et enfin, il y aura la crosse 100 « Senior » qui sera disponible avec un seul flex, adapté au début de la pratique du hockey pour les adultes.

Concernant l’offre 500, elle sera dans la continuité et ce sera donc plutôt pour un joueur qui cherche à progresser.

Et finalement, l’offre 900 sera conçue pour un hockeyeur qui veut performer. Par contre, on ne ciblera pas les joueurs experts, on restera sur de la recherche de performance sans viser le niveau professionnel. On veut se concentrer plutôt sur le développement des joueurs.
Après, bien sûr, il y aura peut-être des professionnels qui joueront avec notre gamme 900, parce qu’ils l’aimeront bien. On en sera super content, mais ce n’est pas la finalité d’Oroks. Le sens de la marque, c’est de rendre le hockey accessible au plus grand nombre.

Dorian :
Ça correspond à l’image de Décathlon : rendre le sport abordable pour tout le monde et faciliter les choses 🙂 Et c’est vrai qu’avant de devenir professionnel, il y en a des heures et des heures d’entrainement… haha !

Je comprend votre démarche. Ça sert à rien d’avoir une crosse hyper légère et avec un pop de fou si on démarre le hockey. Pour quelqu’un qui débute, il vaut mieux commencer avec quelque-chose de basique, le plus standard possible, pour pouvoir percevoir les premières sensations. Et Oroks a vraiment une carte à jouer là-dessus, peut-être plus que Bauer et CCM.
Je sais qu’ils essaient quand même de se positionner sur ce marché là. Par exemple, Bauer propose sa gamme Prodigy. Mais je pense qu’Oroks a un vrai savoir faire avec l’appui de Décathlon derrière.

Bon, je pense que vous l’aurez compris maintenant, je suis un partisant d’Oroks, hahaha ! 😆

Ok, donc en résumé, on aura une gamme qui se décline en trois sections différentes. Une section pour démarrer le hockey en club, une autre pour commencer à progresser, et une dernière, la 900, où on vient chercher la performance, sans atteindre des niveaux stratosphériques qui feraient augmenter le prix de manière trop importante.

Valentin :
C’est ça. Par contre, la nouvelle 900 sur laquelle on a travaillé cette année n’arrivera en France qu’en 2021. Essentiellement à cause de problèmes qu’on a eu suite à la crise du Coronavirus. À cause d’elle, on a été obligé de repousser la date d’arrivée en magasin.
Mais la bonne nouvelle c’est qu’elle sera disponible cette année pour le Canada et la Russie !

Deux questions bonus

Dorian :
Super !
C’est vrai que Decathlon est bien implanté en Russie. Lorsque j’étais avec Oxelo Hockey, je me souviens que le marché Russe était déjà important. Le Canada par contre, on en parlait très peu à l’époque. Je crois que Décathlon a commencé à s’y implanter en 2017. Est-ce que ça marche depuis ?

Valentin :
Pour le moment, le hockey chez Decathlon Canada se développe doucement. Ils viennent seulement d’arriver sur le marché, donc il faut se faire connaitre et se faire sa place. Mais il y a du potentiel en tout cas. On a quelqu’un qui travaille au développement de la présence d’Oroks là-bas. Tu devrais connaître si je te dis son nom, c’est Arnaud Briand*.

* Arnaud Brilland est un ancien joueur de hockey sur glace professionnel. Il a gagné deux coupes de la Ligue Magnus en 2000 et 2003 avec son équipe. Il a aussi été capitaine de l’équipe de France et de l’équipe de Reims durant sa carrière.
Si vous écoutez le podcast, vous verrez que j’étais complètement à côté de la plaque concernant Arnaud au moment de l’interview ! 😅

Dorian :
Il doit être super content de bosser pour Decath’ au Canada, il y a plein de choses à faire là-bas. Et quand on aime le hockey, c’est le meilleur endroit pour vivre sa passion ! 😃 👍

Une dernière question sur ton métier. Est-ce que tu peux me dire ce qui te plait le plus aujourd’hui dans ton travail de tous les jours ? Ce qui te fait vibrer ? J’imagine qu’en lisant cet article, il y a pas mal de joueurs qui se diront : « Ouah, j’aimerais bien bosser pour une marque de hockey moi aussi ! » 😋

Valentin :
Plein de choses ! Travailler pour une marque de hockey, c’est sûr que c’est plaisant, puisque c’est mon sport passion. Mais ce qui me fait vibrer, c’est aussi la partie terrain, les échanges avec les pratiquants. C’est d’apprendre à bien cerner leurs besoins, leurs attentes et voir ce qui leur plait ou leur plait moins sur nos produits.
Pour la partie conception, je suis en relation avec les équipes techniques, les ingénieurs calculs, les designeurs, et aussi ceux qui définissent notre offre. Mon objectif, c’est de faire l’interface entre ces différents métiers, et c’est ça qui est super intéressant et motivant tous les jours.
L’autre avantage, c’est les études. Elles m’amènent toujours sur de nouvelles choses. Quand tu en termines une, elle te conduit vers d’autres questions et il y a toujours de nouveaux éléments à tester. Donc je ne m’ennuie pas !
Et puis, Oroks n’en est qu’au tout début de son aventure, c’est ça aussi qui est super intéressant 🙂

Dorian :
Super ! Je me répète surement, mais tu as l’air vraiment passionné, ça donne envie !

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On a tellement parlé avec Valentin que j’ai été obligé de couper l’interview en deux ! 😅 On s’arrête donc là pour aujourd’hui, mais je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour la suite. On y parlera des futurs patins Oroks, des autres produits de la marque, et finalement, Valentin nous détaillera tous les avantages de travailler pour une marque de hockey. Alors restez connectés et à dimanche prochain ! 😉🏒

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Photos, dans l’ordre d’apparition :
– Valentin Grandhaye, photo fournie par Oroks
– Valentin Grandhaye lors d’un match de D3 avec Epinal, photo de Fernando De Abreu, fournie par Valentin
– Image d’illustration du Master STAPS IEAP, fournie par l’Université de Savoie-Mont Blanc
– Casque Oroks, photos fournies par Oroks (X2)
– Valentin a beaucoup travaillé sur les lames de patin, photo récupérée sur la page Facebook d’Oroks
– Les différents tests terrain Oroks, illustration fournie par Oroks
– Illustration équipement Oroks junior – Photo fournie par Oroks
– Création des prototypes de plastron par Marc Gilbert, designer produit chez Oroks, photo récupérée sur la page Facebook d’Oroks
– Shooting photo du futur sous-vêtement Oroks designé pour les enfants, photo récupérée sur la page Facebook d’Oroks
– Thomas Roussel et son bâton XLR Pro – Photo de Johann Michalczak
– Axex Ovechkin prenant un tir, photo de Clydeorama
– Photos d’illustrations, fournies par Oroks